Théorème de Borel-Cantelli

Page d’aide sur l’homonymie

Pour les articles homonymes, voir Borel.

Page d’aide sur l’homonymie

Ne doit pas être confondu avec Théorème de Borel ou Lemme de Borel-Carathéodory.

Le théorème de Borel-Cantelli ou lemme de Borel-Cantelli, nommé d'après les mathématiciens Émile Borel et Francesco Paolo Cantelli, est un résultat de théorie de la mesure très utilisé en théorie des probabilités, par exemple il peut être utilisé pour démontrer la loi forte des grands nombres[1].

Introduction

En théorie des probabilités, ce théorème concerne une suite d'événements et énonce que :

Lemme de Borel-Cantelli — Si la somme des probabilités d'une suite ( A n ) n 0 {\displaystyle (A_{n})_{n\geq 0}} d'événements d'un espace probabilisé ( Ω , A , P ) {\displaystyle \left(\Omega ,{\mathcal {A}},\mathbb {P} \right)} est finie, alors la probabilité qu'une infinité d'entre eux se réalisent simultanément est nulle.

L'indépendance des événements n'est pas nécessaire. Par exemple, considérons une suite ( X n ) n 1 {\displaystyle (X_{n})_{n\geq 1}} de variables aléatoires, telle que, pour tout n 1 , {\displaystyle n\geq 1,}

P ( X n = 0 ) = 1 n 2 . {\displaystyle \mathbb {P} (X_{n}=0)={\frac {1}{n^{2}}}.}

La somme des P ( X n = 0 ) {\displaystyle \mathbb {P} (X_{n}=0)} est finie[2], donc d'après le lemme de Borel-Cantelli la probabilité que X n = 0 {\displaystyle X_{n}=0} se produise pour une infinité d'indices n {\displaystyle n} est 0. En d'autres termes, avec une probabilité de 1, X n {\displaystyle X_{n}} est non nul à partir d'un certain rang (aléatoire) n 0 . {\displaystyle n_{0}.} On a donc appliqué le lemme de Borel-Cantelli à la suite d'événements ( A n ) n 0 {\displaystyle (A_{n})_{n\geq 0}} définie par

A n = { X n + 1 = 0 } = { ω Ω   |   X n + 1 ( ω ) = 0 } {\displaystyle A_{n}=\{X_{n+1}=0\}=\{\omega \in \Omega \ |\ X_{n+1}(\omega )=0\}} .

Limite supérieure d'ensembles

Définition — La limite supérieure d'une suite (An)n≥0 de parties d'un ensemble Ω {\displaystyle \Omega } est l'ensemble lim sup n A n {\displaystyle \textstyle \limsup _{n}\,A_{n}} des éléments ω {\displaystyle \omega } de Ω {\displaystyle \Omega } tels que l'assertion { ω A k } {\displaystyle \{\omega \in A_{k}\}} soit vérifiée pour une infinité d'indices k 0 {\displaystyle k\geq 0} .

En d'autres termes, on peut dire que ω lim sup n A n {\displaystyle \textstyle \omega \in \limsup _{n}\,A_{n}} si et seulement si l'ensemble { k 0   |   ω A k } {\displaystyle \{k\geq 0\ \vert \ \omega \in A_{k}\}} est infini, ou bien non borné. Une formulation équivalente est la suivante : pour tout n 0 {\displaystyle n\geq 0} , on peut trouver k n {\displaystyle k\geq n} tel que ω A k {\displaystyle \omega \in A_{k}} . Cette dernière formulation fournit une écriture commode de la limite supérieure d'ensembles à l'aide d'opérations élémentaires sur les ensembles :

lim sup n A n = n 0 ( k n A k ) . {\displaystyle \limsup _{n}A_{n}=\bigcap _{n\geq 0}\,\left(\bigcup _{k\geq n}A_{k}\right).}

Sous l'influence de la terminologie anglo-saxonne, on dira aussi parfois que ω lim sup n A n {\displaystyle \textstyle \omega \in \limsup _{n}\,A_{n}} si et seulement si { ω A k } {\displaystyle \{\omega \in A_{k}\}} « infiniment souvent » ou bien « infinitely often », d'où la notation rencontrée dans certains ouvrages :

P ( lim sup n A n ) = P ( A n i.o. ) . {\displaystyle \mathbb {P} \left(\limsup _{n}A_{n}\right)=\mathbb {P} \left(A_{n}\quad {\text{i.o.}}\right).}

Finalement, remarquons que la définition «  ω lim sup n A n {\displaystyle \omega \in \limsup _{n}\,A_{n}} si et seulement si ω {\displaystyle \omega } appartient à une infinité de A k {\displaystyle A_{k}}  » peut induire en erreur : si par exemple toutes les parties A k {\displaystyle A_{k}} sont égales, il se peut que ω {\displaystyle \omega } appartienne à A k {\displaystyle A_{k}} pour une infinité d'indices k {\displaystyle k} , et il se peut donc que ω {\displaystyle \omega } appartienne à lim sup n A n , {\displaystyle \textstyle \limsup _{n}\,A_{n},} sans pour autant qu' ω {\displaystyle \omega } appartienne à une infinité de A k {\displaystyle A_{k}} (puisqu'il n'existe, au fond, qu'un seul A k {\displaystyle A_{k}} ).

Théorème de Borel-Cantelli (théorie de la mesure)

Pour un espace mesuré général ( X , A , μ ) {\displaystyle (X,{\mathcal {A}},\mu )} , le lemme de Borel-Cantelli prend la forme suivante :

Théorème de Borel-Cantelli — Soit ( A n ) n 0 {\displaystyle (A_{n})_{n\geq 0}} une suite dans A {\displaystyle {\mathcal {A}}} . Si

n 0 μ ( A n ) < + , {\displaystyle \sum _{n\geq 0}\mu (A_{n})<+\infty ,}

alors

μ ( lim sup n A n ) = 0. {\displaystyle \mu (\limsup _{n}A_{n})=0.}
Démonstration

Quitte à remplacer X par la réunion des An, on peut supposer sans perte de généralité que la mesure μ est finie. Posons

B n = k n A k , {\displaystyle B_{n}=\bigcup _{k\geq n}A_{k},}

et remarquons que Bn est une suite décroissante (pour l'inclusion) d'éléments de A , {\displaystyle {\mathcal {A}},} car B n = A n B n + 1 {\displaystyle B_{n}=A_{n}\cup B_{n+1}} donc (par finitude de μ)

μ ( n 0 B n ) = lim n   μ ( B n ) . {\displaystyle \mu \left(\bigcap _{n\geq 0}B_{n}\right)=\lim _{n}\ \mu (B_{n}).}

De plus μ(Bn) est majorée par

r n = k n μ ( A k ) , {\displaystyle r_{n}=\sum _{k\geq n}\mu (A_{k}),}

qui est le reste d'une série convergente, donc

lim n   μ ( B n ) = 0. {\displaystyle \lim _{n}\ \mu (B_{n})=0.}

Comme

lim sup n A n = n 0 B n , {\displaystyle \limsup _{n}A_{n}=\bigcap _{n\geq 0}B_{n},}

on conclut que

μ ( lim sup n A n ) = 0. {\displaystyle \mu \left(\limsup _{n}A_{n}\right)=0.}

Lemme de Borel-Cantelli (probabilités)

Un espace probabilisé ( Ω , A , P ) {\displaystyle \left(\Omega ,{\mathcal {A}},\mathbb {P} \right)} est un cas particulier d'espace mesuré, en ce qu'on suppose, de plus, que P ( Ω ) = 1 {\displaystyle \mathbb {P} \left(\Omega \right)=1} , alors que dans le théorème général, la mesure (positive) μ n'est pas supposée finie a priori. En particulier, le lemme de Borel-Cantelli donné en introduction est une forme affaiblie du théorème de Borel-Cantelli donné à la section précédente. Peut-être le lemme de Borel-Cantelli est-il plus populaire en probabilités, où il est crucial dans la démonstration, par Kolmogorov, de la loi forte des grands nombres (s'il ne faut donner qu'un seul exemple). Dans le cadre probabiliste, une formulation plus formelle du lemme donné en langage intuitif dans l'introduction pourrait donc s'écrire :

Lemme de Borel-Cantelli — Dans un espace probabilisé ( Ω , A , P ) , {\displaystyle \left(\Omega ,{\mathcal {A}},\mathbb {P} \right),} considérons une suite ( A n ) n 0 {\displaystyle (A_{n})_{n\geq 0}} d'éléments de A {\displaystyle {\mathcal {A}}} . Si

n 0 P ( A n ) < + , {\displaystyle \sum _{n\geq 0}\mathbb {P} (A_{n})<+\infty ,}

alors

P ( lim sup n A n ) = 0. {\displaystyle \mathbb {P} (\limsup _{n}A_{n})=0.}

Loi du zéro-un de Borel

Article détaillé : Loi du zéro-un de Borel.

Le lemme de Borel-Cantelli ne doit pas être confondu avec la loi du zéro-un de Borel, parfois appelée second lemme de Borel-Cantelli :

Loi du zéro-un de Borel — Si les événements A n {\displaystyle A_{n}} sont indépendants, alors P ( lim sup n A n ) {\displaystyle \textstyle \mathbb {P} (\limsup _{n}A_{n})} vaut 0 ou 1 suivant que la série de terme général P ( A n ) {\displaystyle \mathbb {P} (A_{n})} est convergente ou divergente.

La loi du zéro-un de Borel[3] montre en particulier que l'hypothèse n 0 P ( A n ) < + {\displaystyle \textstyle \sum _{n\geq 0}\mathbb {P} (A_{n})<+\infty } du lemme de Borel-Cantelli ne peut en aucun cas être affaiblie en lim n P ( A n ) = 0 {\displaystyle \textstyle \lim _{n}\mathbb {P} (A_{n})=0} . En effet, on peut avoir simultanément d'une part lim n P ( A n ) = 0 {\displaystyle \textstyle \lim _{n}\mathbb {P} (A_{n})=0} et d'autre part (indépendance des A n {\displaystyle A_{n}} et n 0 P ( A n ) = + {\displaystyle \textstyle \sum _{n\geq 0}\mathbb {P} (A_{n})=+\infty } ), donc on peut avoir simultanément :

lim n P ( A n ) = 0 et P ( lim sup n A n ) = 1. {\displaystyle \lim _{n}\mathbb {P} (A_{n})=0\qquad {\text{et}}\qquad \mathbb {P} (\limsup _{n}A_{n})=1.}

Notes et références

  1. Ismaël Bailleul, « Loi forte des grands nombres » Accès libre, (consulté le )
  2. En fait elle vaut ζ ( 2 ) = π 2 6 , {\displaystyle \zeta (2)={\frac {\pi ^{2}}{6}},} voir l'article Fonction zêta de Riemann, par exemple la section Valeurs de la fonction zêta pour s entier supérieur à 1.
  3. Émile Borel, « Les probabilités dénombrables et leurs applications arithmétiques », Rendiconti del Circolo Matematico di Palermo, Circolo Matematico di Palermo, vol. 27, no 1,‎ , p. 247-271 (ISSN 0009-725X et 1973-4409, DOI 10.1007/BF03019651). La loi du zéro-un de Borel a été publiée en vue, semble-t-il, d'applications aux propriétés des fractions continues. Un peu plus tard, Cantelli aurait remarqué et utilisé le fait que, pour l'un des deux sens, l'hypothèse d'indépendance est superflue, ce qui a conduit au lemme de Borel-Cantelli (à vérifier).

Voir aussi

v · m
Index du projet probabilités et statistiques
Théorie des probabilités
Bases théoriques
Principes généraux
Convergence de lois
Calcul stochastique
Lois de probabilité
Lois continues
Lois discrètes
Mélange entre statistiques et probabilités
Interprétations de la probabilité
Théorie des statistiques
Statistiques descriptives
Bases théoriques
Tableaux
Visualisation de données
Paramètres de position
Paramètres de dispersion
Paramètres de forme
Statistiques inductives
Bases théoriques
Tests paramétriques
Tests non-paramétriques
Application
  • icône décorative Portail de l'analyse
  • icône décorative Portail des probabilités et de la statistique