Zéro d'une fonction holomorphe

En analyse complexe, on appelle zéro d'une fonction holomorphe f {\displaystyle f} un nombre complexe a {\displaystyle a} tel que f ( a ) = 0 {\displaystyle f(a)=0} .

Ordre de multiplicité d'un zéro isolé

Dans toute cette section, U {\displaystyle U} désigne un ouvert de ℂ, f : U C {\displaystyle f:U\to \mathbb {C} } une fonction holomorphe et a {\displaystyle a} (élément de U {\displaystyle U} ) un zéro de f {\displaystyle f} .

Il existe un disque ouvert D ( a , r ) {\displaystyle \mathrm {D} (a,r)} inclus dans U {\displaystyle U} f {\displaystyle f} se développe en série entière (de rayon de convergence au moins égal à r {\displaystyle r} ) :

z D ( a , r ) , f ( z ) = k = 1 + α k ( z a ) k {\displaystyle \forall \,z\in \mathrm {D} (a,\,r),\,f(z)=\sum _{k=1}^{+\infty }\alpha _{k}\,(z-a)^{k}} (le terme constant est α 0 = f ( a ) = 0 {\displaystyle \alpha _{0}=f(a)=0} et les autres coefficients sont α k = f ( k ) ( a ) / k ! {\displaystyle \alpha _{k}=f^{(k)}(a)/k!} ).

Définition —  a {\displaystyle a} est un zéro isolé de f {\displaystyle f} si c'est un point isolé de l'ensemble des zéros de f {\displaystyle f} , c'est-à-dire si, dans un disque de centre a {\displaystyle a} et de rayon suffisamment petit, a {\displaystyle a} est le seul point où f {\displaystyle f} s'annule.

Deux cas (seulement) sont possibles :

  • Si pour tout entier k > 0 {\displaystyle k>0} , α k = 0 {\displaystyle \alpha _{k}=0} , alors
z D ( a , r ) , f ( z ) = 0 {\displaystyle \forall \,z\in \mathrm {D} (a,\,r),\,f(z)=0}  : f {\displaystyle f} est identiquement nulle sur D ( a , r ) {\displaystyle \mathrm {D} (a,r)}  ; a {\displaystyle a} est donc dans ce cas un zéro non isolé ;
  • Dans le cas contraire, soit n {\displaystyle n} l'indice du premier coefficient non nul de la série entière ( n 1 {\displaystyle n\geq 1} et α n 0 {\displaystyle \alpha _{n}\neq 0} ) : on peut écrire
z D ( a , r ) , f ( z ) = k = n + α k ( z a ) k = ( z a ) n g ( z ) , {\displaystyle \forall \,z\in \mathrm {D} (a,\,r),\,f(z)=\sum _{k=n}^{+\infty }\alpha _{k}\,(z-a)^{k}=(z-a)^{n}\,g(z),}
g : D ( a , r ) C {\displaystyle g\,:\,\mathrm {D} (a,\,r)\,\to \,\mathbb {C} } est définie par :
z D ( a , r ) , g ( z ) = = 0 + α + n ( z a ) . {\displaystyle \forall \,z\in \mathrm {D} (a,\,r),\,g(z)=\sum _{\ell =0}^{+\infty }\alpha _{\ell +n}\,(z-a)^{\ell }.}
Cette fonction g {\displaystyle g} est analytique et g ( a ) = α n {\displaystyle g(a)=\alpha _{n}} est non nul.
Par continuité de g {\displaystyle g} en a {\displaystyle a} , il existe un réel strictement positif r 1 < r {\displaystyle r_{1}<r} tel que g {\displaystyle g} ne s'annule pas sur D ( a , r 1 ) {\displaystyle \mathrm {D} (a,r_{1})} .
Finalement, pour tout élément z {\displaystyle z} de D ( a , r 1 ) {\displaystyle \mathrm {D} (a,r_{1})}  :
f ( z ) = ( z a ) n g ( z ) et g ( z ) 0. {\displaystyle f(z)=(z-a)^{n}g(z)\quad {\text{et}}\quad g(z)\neq 0.}
On en déduit que a {\displaystyle a} est le seul point de D ( a , r 1 ) {\displaystyle \mathrm {D} (a,r_{1})} f {\displaystyle f} s'annule ; a {\displaystyle a} est donc dans ce cas un zéro isolé.

On peut résumer ceci par la définition et le théorème suivants.

Définition

L'ordre de multiplicité (ou la multiplicité) d'un zéro isolé a {\displaystyle a} de f {\displaystyle f} est l'unique entier n > 0 {\displaystyle n>0} tel que :

  • pour tout entier naturel k < n {\displaystyle k<n} , f ( k ) ( a ) = 0   {\displaystyle f^{(k)}(a)=0~}
et
  • f ( n ) ( a ) 0. {\displaystyle f^{(n)}(a)\neq 0.}

Lorsque n = 1 {\displaystyle n=1} , on dit que a {\displaystyle a} est un zéro simple.

Théorème

  • a {\displaystyle a} est un zéro isolé d'ordre n {\displaystyle n} de f {\displaystyle f} (si et) seulement s'il existe une fonction holomorphe g {\displaystyle g} , définie sur un disque ouvert D ( a , r ) {\displaystyle \mathrm {D} (a,r)} inclus dans U {\displaystyle U} , telle que :
    • z D ( a , r ) , f ( z ) = ( z a ) n g ( z ) {\displaystyle \forall \,z\in \mathrm {D} (a,\,r),\,f(z)=(z-a)^{n}\,g(z)} et
    • g ( a ) 0. {\displaystyle g(a)\neq 0.}
  • Principe des zéros isolés : si a {\displaystyle a} est un zéro non isolé de f {\displaystyle f} , alors il existe un disque ouvert D ( a , r ) {\displaystyle \mathrm {D} (a,r)} inclus dans U {\displaystyle U} sur lequel f {\displaystyle f} est nulle.

Remarque

On définit en algèbre la notion analogue d'ordre de multiplicité d'une racine d'un polynôme non nul, dont celle qui vient d'être définie constitue une généralisation.

Exemple

Soient a {\displaystyle a} un nombre complexe et

f : C C ,   z exp ( z ) exp ( a ) ( z a )   exp ( a ) . {\displaystyle f:\mathbb {C} \to \mathbb {C} ,~z\mapsto \exp(z)-\exp(a)-(z-a)~\exp(a).}

Cette fonction est entière (c'est-à-dire holomorphe sur ℂ) et a {\displaystyle a} en est un zéro isolé d'ordre 2.

On vérifie en effet que

f ( a ) = f ( a ) = 0 et f ( a ) 0. {\displaystyle f(a)=f'(a)=0\quad {\text{et}}\quad f''(a)\neq 0.}

Application

Du principe des zéros isolés on déduit le principe suivant, dont une démonstration est proposée dans l'article Prolongement analytique.

Principe du prolongement analytique

Soient U {\displaystyle U} un ouvert connexe de ℂ et deux fonctions f 1 , f 2 {\displaystyle f_{1},f_{2}} définies et holomorphes sur U {\displaystyle U} .

Si l'ensemble { z U f 1 ( z ) = f 2 ( z ) } {\displaystyle \{z\in U\mid f_{1}(z)=f_{2}(z)\}} possède au moins un point non isolé, alors f 1 = f 2 {\displaystyle f_{1}=f_{2}} .

Ou encore :

s'il existe un élément a {\displaystyle a} de U {\displaystyle U} et une suite ( z n ) {\displaystyle (z_{n})} d'éléments de U {\displaystyle U} distincts de a {\displaystyle a} , convergeant vers a {\displaystyle a} , tels que pour tout entier n {\displaystyle n} , f 1 ( z n ) = f 2 ( z n ) {\displaystyle f_{1}(z_{n})=f_{2}(z_{n})} , alors

z U f 1 ( z ) = f 2 ( z ) {\displaystyle \forall z\in U\quad f_{1}(z)=f_{2}(z)} .

Exemple

Soit U {\displaystyle U} un ouvert connexe de ℂ contenant un intervalle I {\displaystyle I} de ℝ non réduit à un point : les points de I {\displaystyle I} sont non isolés.

Si les fonctions f 1 , f 2 {\displaystyle f_{1},f_{2}} sont holomorphes sur U {\displaystyle U} et coïncident sur I {\displaystyle I} , alors elles coïncident sur U {\displaystyle U} .

Cela signifie qu'une fonction de I {\displaystyle I} dans ℂ admet au plus un prolongement analytique à un ouvert connexe U {\displaystyle U} de ℂ contenant I {\displaystyle I} .

  • Ainsi, la fonction exponentielle complexe est le seul prolongement analytique à ℂ de la fonction exponentielle réelle.
  • On suppose connue l'identité exp ( x + y ) = exp ( x ) exp ( y ) {\displaystyle \exp(x+y)=\exp(x)\exp(y)} pour tout couple de réels. On peut l'étendre par prolongement analytique à un couple quelconque de nombres complexes. En effet :
    • Soit y {\displaystyle y} un réel quelconque. On définit sur ℂ (ouvert connexe) deux fonctions holomorphes f 1 , f 2 {\displaystyle f_{1},f_{2}} en posant f 1 ( z ) = exp ( z + y ) {\displaystyle f_{1}(z)=\exp(z+y)} et f 2 ( z ) = exp ( z ) exp ( y ) {\displaystyle f_{2}(z)=\exp(z)\exp(y)} . Ces deux fonctions coïncident sur ℝ, donc (principe du prolongement analytique) sur ℂ : pour tout complexe z {\displaystyle z} , exp ( z + y ) = exp ( z ) exp ( y ) {\displaystyle \exp(z+y)=\exp(z)\exp(y)} , et cela pour tout réel y {\displaystyle y}  ;
    • Soit z {\displaystyle z} un complexe quelconque. On définit sur ℂ (ouvert connexe) deux fonctions holomorphes f 3 , f 4 {\displaystyle f_{3},f_{4}} en posant f 3 ( u ) = exp ( z + u ) {\displaystyle f_{3}(u)=\exp(z+u)} et f 4 ( u ) = exp ( z ) exp ( u ) {\displaystyle f_{4}(u)=\exp(z)\exp(u)} . Ces deux fonctions coïncident sur ℝ (d'après le point précédent), donc (principe du prolongement analytique) sur ℂ : pour tout complexe u {\displaystyle u} , exp ( z + u ) = exp ( z ) exp ( u ) {\displaystyle \exp(z+u)=\exp(z)\exp(u)} , et cela pour tout complexe z.

Nombre de zéros

Le principe de l'argument permet de donner le nombre de zéros d'une fonction holomorphe, comptés avec multiplicité, inclus dans un disque.

Si F est holomorphe sur un voisinage d'un disque fermé D tel que F ne s'annule pas sur le bord du disque, la formule suivante donne le nombre de zéros de F, comptés avec multiplicité, dans le disque D :

1 2 i π D F ( ξ ) F ( ξ )   d ξ . {\displaystyle {\frac {1}{2i\pi }}\oint _{\partial D}{\frac {F'(\xi )}{F(\xi )}}~\mathrm {d} \xi .}
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