Théorie de Galois inverse

En mathématiques et plus précisément en algèbre la théorie de Galois inverse est une branche de la théorie de Galois.

L'objet de la théorie est de répondre à la question : Soit G un groupe et K un corps, existe-t-il une extension de K de groupe de Galois G ? Peut-on la choisir galoisienne ?

La plus grande conjecture de la théorie est la suivante : Tout groupe fini est le groupe de Galois d'une extension galoisienne des nombres rationnels.

Malgré d'importants progrès durant les trente dernières années du XXe siècle et un grand nombre de résultats établis, la théorie reste une vaste conjecture.

Problème

Le théorème fondamental de la théorie de Galois montre que des extensions ayant même groupe de Galois sont très semblables. La détermination de ce groupe apprend énormément sur la structure de l'extension, elle est cependant souvent délicate. Il apparaît alors naturel de se poser la question inverse.

Les groupes de Galois des extensions algébriques sont naturellement munis d'une structure de groupe profini. On peut montrer réciproquement, par une construction ad hoc, que tout groupe profini G est bien groupe de Galois d'une certaine extension algébrique[1] : soit F un corps (commutatif), on note K le corps des fractions rationnelles sur F en un ensemble d'indéterminées indicé par les éléments des groupes quotients de G par ses sous-groupes distingués ouverts. On peut alors montrer que l'extension K/KG est alors une extension galoisienne de groupe de Galois G. Cependant, rien n'assure que KG = F. Le problème de la théorie de Galois inverse devient : peut-on, via éventuellement une autre construction, obtenir KG = F ?

Cette question peut donc se résumer :

  • Soit un groupe fini (ou profini) et un corps, existe-t-il une extension galoisienne de ce corps ayant pour groupe de Galois ce groupe ?
  • Soit un groupe fini (ou profini), existe-t-il une extension galoisienne de ℚ ayant pour groupe de Galois ce groupe[2] ? (le groupe sera alors dit réalisable).

Aucune de ces questions n'est actuellement résolue.

Exemples

  • Le groupe d'ordre 2 est réalisable : n'importe quelle extension quadratique convient, par exemple le corps ℚ(i) des rationnels de Gauss.
  • Pour tout entier n > 0, le groupe (ℤ/nℤ)* des inversibles de l'anneau ℤ/nℤ (le cas précédent correspond à n = 3), est réalisable, par l'extension cyclotomique ℚ(r), où r est une racine primitive n-ième de l'unité.
  • D'après le théorème fondamental de la théorie de Galois, tout quotient d'un groupe réalisable est réalisable (par une sous-extension).
  • On déduit des deux points précédents que tout groupe abélien fini est réalisable[3], et qu'il l'est même par une sous-extension d'une extension cyclotomique (mais il ne faut confondre cette précision avec le théorème de Kronecker-Weber, beaucoup plus profond).
Démonstration

Soit G un groupe abélien fini. Alors G est un produit de groupes cycliques finis, c'est-à-dire qu'il existe une suite finie d'entiers naturels

a 1 , , a k tels que G i = 1 k Z / a i Z . {\displaystyle a_{1},\ldots ,a_{k}\quad {\text{tels que}}\quad G\simeq \prod _{i=1}^{k}\mathbb {Z} /a_{i}\mathbb {Z} .}

Un théorème de Dirichlet assure que pour tout entier a, il existe une infinité de nombres premiers congrus à 1 modulo a. On en déduit qu'il existe des entiers premiers distincts p1, … , pk tels que pour chaque indice i, ai soit un diviseur de pi – 1. Comme le groupe multiplicatif (ℤ/piℤ)* est cyclique d'ordre pi – 1 (par primalité de pi), ceci assure que le groupe additif ℤ/aiℤ en est un quotient.

Comme les pi sont premiers entre eux deux à deux, en notant n leur produit, on déduit du théorème chinois que l'anneau ℤ/nℤ est isomorphe au produit des ℤ/piℤ, d'où l'isomorphisme entre leurs groupes des inversibles :

( Z / n Z ) i = 1 k ( Z / p i Z ) . {\displaystyle (\mathbb {Z} /n\mathbb {Z} )^{*}\simeq \prod _{i=1}^{k}(\mathbb {Z} /p_{i}\mathbb {Z} )^{*}.}

On en déduit que G est un quotient de (ℤ/nℤ)*, le groupe de Galois de l'extension cyclotomique engendrée sur ℚ par une racine n-ième de l'unité, ce qui conclut.

Quelques résultats

Les résultats suivants sont maintenant démontrés :

Les différentes stratégies

Pour un groupe G donné, l'idée d'Emmy Noether[10] est de réaliser ce groupe comme le groupe de Galois d'une extension de ℚ(T). Ensuite, le théorème d'irréductibilité de Hilbert nous donne l'existence d'une infinité de valeurs rationnelles pour T pour lesquelles le groupe de Galois reste G[11].

Notes et références

Notes

  1. Kraus 1998 mentionne cependant, pour le groupe alterné, deux résultats explicites partiels : si n est divisible par 4, le polynôme exponentiel tronqué ∑0≤k≤n(Xkk!) fournit une réalisation de An, et si n est pair et supérieur ou égal à 4, le polynôme ht(X) = (n–1)Xn – nXn–1 + (–1)n/2(n–1)t2 aussi, pour une infinité de valeurs du rationnel t.

Références

  1. (en) Luis Ribes et Pavel Zalesskii, Profinite Groups [détail des éditions], Theorem 2.11.5, p. 73-74
  2. a et b Alain Kraus, « Introduction au problème de la théorie de Galois inverse », dans Théorie de Galois – Cours accéléré de DEA, université Paris 6, (lire en ligne), p. 28-46.
  3. (de) E. Fischer, « Zur Theorie der endlichen Abelschen Gruppen », Math. Ann., vol. 77,‎ , p. 81-88 (lire en ligne).
  4. (en) E. S. Selmer, « On the irreductibility of certain trinomials », Math. Scand., vol. 4,‎ , p. 287-302 (lire en ligne).
  5. Voir aussi § « Contre-exemples en tout degré supérieur ou égal à 5 » de l'article sur le théorème d'Abel.
  6. (en) Helmut Völklein, Groups as Galois Groups : An introduction, CUP, coll. « Cambridge Studies in Advanced Mathematics » (no 53), , 248 p. (ISBN 978-0-521-56280-5, lire en ligne), p. 52-53.
  7. On peut en trouver une démonstration dans (en) Jürgen Neukirch, Alexander Schmidt (de) et Kay Wingberg (de), Cohomology of number fields [détail de l’édition].
  8. (en) Christian U. Jensen, Arne Ledet et Noriko Yui (en), Generic Polynomials : Constructive Aspects of the Inverse Galois Problem, CUP, , 258 p. (ISBN 978-0-521-81998-5, lire en ligne), p. 5.
  9. (en) John G. Thompson, « Some finite groups which appear as Gal L/K, where K ⊆ ℚ(μn) », J. Algebra, vol. 89, no 2,‎ , p. 437–499.
  10. (de) E. Noether, « Gleichungen mit vorgeschriebener Gruppe », Math. Ann., vol. 78,‎ , p. 221-229, en ligne [sur GDZ] ou [sur Google Livres].
  11. Cette approche est développée par Pierre Dèbes, « Théorie de Galois inverse et géométrie algébrique », Séminaires & Congrès de la SMF, vol. 5,‎ , p. 1-26 (lire en ligne).

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Serge Lang, Algèbre [détail des éditions]
  • Pierre Samuel, Théorie algébrique des nombres [détail de l’édition]
  • (en) Emil Artin, Galois Theory, Londres, Notre Dame Press, , 2e éd. (1re éd. 1942) (lire en ligne)
  • B. Deschamps, Problèmes d'arithmétique des corps et de théorie de Galois, Hermann, Paris, 1998
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