Théorème de Radon-Nikodym-Lebesgue

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Le théorème de Radon-Nikodym-Lebesgue est un théorème d'analyse, une branche des mathématiques qui est constituée du calcul différentiel et intégral et des domaines associés.

Définitions

Définitions — Soit ν une mesure positive sur ( X , A ) {\displaystyle (X,{\mathcal {A}})} et soient ρ, ρ des mesures positives ou complexes sur ( X , A ) {\displaystyle (X,{\mathcal {A}})} .

  • On dit que ρ est absolument continue par rapport à ν, et l'on note ρν, si pour tout A A {\displaystyle A\in {\mathcal {A}}} tel que ν(A) = 0, on a également ρ(A) = 0.
  • On dit que ρ est portée par[1] E A {\displaystyle E\in {\mathcal {A}}} (ou concentrée sur E) si pour tout A A {\displaystyle A\in {\mathcal {A}}} on a ρ(A) = ρ(AE). (Cela équivaut à l'hypothèse : pour tout A A , {\displaystyle A\in {\mathcal {A}},} ρ(A\E) = 0.)
  • On dit que ρ et ρ sont mutuellement singulières[1] (ou étrangères), et l'on note ρ ρ, s'il existe E A {\displaystyle E\in {\mathcal {A}}} telle que ρ soit portée par E et ρ soit portée par Ec.

Théorème de Radon-Nikodym-Lebesgue

Le théorème de Radon-Nikodym-Lebesgue est un résultat de théorie de la mesure, cependant une démonstration faisant intervenir les espaces de Hilbert a été donnée par le mathématicien John von Neumann au début du XXe siècle[1]. Il s'énonce de la façon suivante :

Théorème de Radon-Nikodym-Lebesgue — Soient ν une mesure positive σ-finie sur ( X , A ) {\displaystyle (X,{\mathcal {A}})} et μ une mesure positive σ-finie (respectivement réelle, resp. complexe) sur ( X , A ) {\displaystyle (X,{\mathcal {A}})} .

  • Il existe un unique couple (μ1, μ2) de mesures positives σ-finies (resp. réelles, resp. complexes) tel que :
    • μ = μ 1 + μ 2 , {\displaystyle \mu =\mu _{1}+\mu _{2},}
    • μ 1 ν , {\displaystyle \mu _{1}\ll \nu ,}
    • μ 2 ν . {\displaystyle \mu _{2}\perp \nu .}
Cette décomposition s'appelle la décomposition de Lebesgue (en) de μ par rapport à ν.
  • Il existe une unique (à égalité ν-presque partout près) fonction h mesurable positive (resp. ν-intégrable réelle, resp. ν-intégrable complexe) telle que pour tout A A {\displaystyle A\in {\mathcal {A}}} on ait :
    μ ( A ) = A h   d ν = X 1 A h   d ν . {\displaystyle \mu (A)=\int _{A}h~\mathrm {d} \nu =\int _{X}1_{A}h~\mathrm {d} \nu .}
    Cette fonction h s'appelle la dérivée de Radon-Nikodym de μ par rapport à ν.

Densité d'une mesure

Définition —  Soit ν une mesure positive σ-finie sur ( X , A ) {\displaystyle (X,{\mathcal {A}})} et soit ρ une mesure positive σ-finie (resp. réelle, resp. complexe) sur ( X , A ) . {\displaystyle (X,{\mathcal {A}}).} On dit que ρ possède une densité h par rapport à ν si h est une fonction mesurable positive (resp. ν-intégrable réelle, resp. ν-intégrable complexe), telle que pour tout A A {\displaystyle A\in {\mathcal {A}}} on ait :

ρ ( A ) = A h   d ν = X 1 A h   d ν . {\displaystyle \rho (A)=\int _{A}h~\mathrm {d} \nu =\int _{X}1_{A}\,h~\mathrm {d} \nu .}

On note

h = d ρ d ν . {\displaystyle h={\frac {\mathrm {d} \rho }{\mathrm {d} \nu }}.}

En conséquence du théorème de Radon-Nikodym, on a la propriété suivante :

Proposition — Soient ν une mesure positive σ-finie sur ( X , A ) {\displaystyle (X,{\mathcal {A}})} et μ une mesure positive σ-finie (resp. réelle, resp. complexe) sur ( X , A ) . {\displaystyle (X,{\mathcal {A}}).} Il y a équivalence entre :

  • μ ν , {\displaystyle \mu \ll \nu ,}
  • μ possède une densité par rapport à ν.
Démonstration

Si μ ν {\displaystyle \mu \ll \nu } alors, clairement, μ = μ + 0 {\displaystyle \mu =\mu +0} est une décomposition de μ satisfaisant le théorème de Radon-Nikodym donc, en vertu de la dernière partie du théorème, μ possède une densité par rapport à ν. Réciproquement, notons h la densité de μ par rapport à ν. Si

ν ( A ) = X 1 A   d ν = 0 , {\displaystyle \nu (A)=\int _{X}1_{A}~\mathrm {d} \nu =0,}

alors 1 A {\displaystyle 1_{A}} est nul ν-presque partout. Il suit que 1 A h {\displaystyle 1_{A}\,h} est nul ν-presque partout également, donc

μ ( A ) = X 1 A h   d ν = 0. {\displaystyle \mu (A)=\int _{X}1_{A}\,h~\mathrm {d} \nu =0.}

L'hypothèse de σ-finitude est importante : par rapport à la mesure de comptage, une mesure est toujours absolument continue mais celle de Lebesgue sur ℝ (par exemple) n'a pas de densité.

Densité de probabilité d'un vecteur aléatoire

Rappel — 

  • On appelle densité de probabilité d'une variable aléatoire X à valeurs dans ℝd une fonction f mesurable, telle que pour toute partie borélienne A ⊂ ℝd :
    P ( X A ) = R d   1 A ( u ) f ( u )   d u = A   f ( u )   d u . {\displaystyle \mathbb {P} (X\in A)=\int _{\mathbb {R} ^{d}}\ 1_{A}(u)\,f(u)~\mathrm {d} u=\int _{A}\ f(u)~\mathrm {d} u.}
  • La loi de probabilité P X {\displaystyle \mathbb {P} _{X}} d'une variable aléatoire X {\displaystyle X} à valeurs dans ℝd est la mesure de probabilité définie, pour toute partie borélienne A ⊂ ℝd, par :
    P X ( A ) = P ( X A ) . {\displaystyle \mathbb {P} _{X}(A)=\mathbb {P} (X\in A).}
  • Si d = 1, X est appelée une variable aléatoire réelle, ou encore v.a.r.

Au vu des définitions, le langage probabiliste diffère légèrement du langage de la théorie de la mesure. Il y a équivalence entre les trois assertions :

  • Une variable aléatoire Z à valeur dans ℝd possède une densité de probabilité.
  • La mesure P Z {\displaystyle \mathbb {P} _{Z}} possède une densité par rapport à la mesure de Lebesgue sur ℝd.
  • La mesure P Z {\displaystyle \mathbb {P} _{Z}} est absolument continue par rapport à la mesure de Lebesgue sur ℝd.

Le dernier point peut se réécrire, en langage probabiliste.

Critère — Une variable aléatoire Z à valeurs dans ℝd possède une densité de probabilité si et seulement si, pour chaque borélien A de ℝd dont la mesure de Lebesgue est nulle, on a :

P ( Z A ) = 0. {\displaystyle \mathbb {P} \left(Z\in A\right)=0.}

Ce critère est rarement employé dans la pratique pour démontrer que Z possède une densité, mais il est en revanche utile pour démontrer que certaines probabilités sont nulles. Par exemple, si le vecteur aléatoire Z = (X, Y) possède une densité, alors :

  • P ( X = Y ) = 0 , {\displaystyle \mathbb {P} \left(X=Y\right)=0,}
  • P ( X 2 + Y 2 = 1 ) = 0 , {\displaystyle \mathbb {P} \left(X^{2}+Y^{2}=1\right)=0,}

car la mesure de Lebesgue (autrement dit, l'aire) de la première bissectrice (resp. du cercle unité) est nulle.

Plus généralement, la mesure de Lebesgue du graphe d'une fonction mesurable φ étant nulle, il suit que :

  • P ( Y = φ ( X ) ) = 0. {\displaystyle \mathbb {P} \left(Y=\varphi (X)\right)=0.}

De même, il y a de nombreux exemples où, du fait que l'ensemble { ( x , y ) R 2 ψ ( x , y ) = 0 } {\displaystyle \left\{(x,y)\in \mathbb {R} ^{2}\mid \psi (x,y)=0\right\}} est de mesure de Lebesgue nulle, on peut conclure que :

  • P ( ψ ( X , Y ) = 0 ) = 0. {\displaystyle \mathbb {P} \left(\psi (X,Y)=0\right)=0.}

Le critère de Radon-Nikodym peut aussi être utilisé pour démontrer qu'un vecteur aléatoire ne possède pas de densité, par exemple si :

Z = ( cos Θ , sin Θ ) , {\displaystyle Z=\left(\cos \Theta ,\sin \Theta \right),}

Θ désigne une variable aléatoire suivant la loi uniforme sur [0, 2π], alors Z ne possède pas de densité car :

P ( X 2 + Y 2 1 = 0 ) = 1. {\displaystyle \mathbb {P} \left(X^{2}+Y^{2}-1=0\right)=1.}

Remarque — Dans le cas d = 1, une variable aléatoire Z à valeurs dans ℝ possède une densité de probabilité si et seulement si sa fonction de répartition est localement absolument continue.

Note et référence

  1. a b et c Voir par exemple Walter Rudin, Analyse réelle et complexe [détail des éditions] pour de plus amples détails.

Bibliographie

  • (en) Leo Egghe, Stopping Time Techniques for Analysts and Probabilists, coll. « London Mathematical Society Lecture Note Series », , 351 p. (ISBN 978-0-521-31715-3, lire en ligne)
  • (en) Gerald Folland (en), Real Analysis: Modern Techniques and Their Applications, John Wiley & Sons, , 2e éd. (lire en ligne)
  • (en) J. von Neumann, « On rings of operators, III », Ann. Math., vol. 41, no 1,‎ , p. 94-161 (lire en ligne) (cf. p. 127-130)
  • Otton Nikodym, « Sur une généralisation des intégrales de M. J. Radon », Fund. Mat., vol. 15,‎ , p. 131-179 (zbMATH 56.0922.02, lire en ligne)
  • (de) J. Radon, « Theorie und Anwendungen der absolut additiven Mengenfunktionen », Sitz. Kais. Akad. Wiss. Wien, math.-Naturwiss. Kl. IIa, vol. 122,‎ , p. 1295-1438
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