Pont en béton armé

Un pont en béton armé est un pont dont un des éléments de la structure porteuse (tablier, arc ou poutre) est en béton armé.

Histoire

Apparition du béton

Le pont du Jardin des plantes de Grenoble, premier ouvrage au monde en béton coulé, construit en 1855 par Louis Joseph Vicat

Jusqu’à une époque récente la pierre fut le principal matériau utilisé pour la construction. Les prodigieux bâtisseurs de nos cathédrales réussirent à édifier à grande hauteur, voûtes romanes ou gothiques, mais ils n'y parvinrent qu'au prix de systèmes compliqués – donc coûteux – de contreforts et d'arcs-boutants. Le XVe siècle mit en œuvre de longues barres de fer, quelquefois inutiles. L’architecture arabe fit un large usage de tirants métalliques soutenus par des tiges pendantes.

Avec l’invention du ciment artificiel par Louis Vicat en 1840, les premiers ouvrages en béton vont pouvoir apparaître.

Le ciment armé

L'armature de métal dans les mortiers provient des techniques de moulage en sculpture et fut utilisée d'abord par des jardiniers expérimentateurs. Joseph-Louis Lambot à Miraval fabriqua en 1845 des caisses pour orangers et réservoirs avec du fil de fer et du mortier[1]. En 1849, Joseph-Louis Lambot conçut une barque où la coque en bois était remplacée par une paroi constituée d’un quadrillage de barres de fer enrobé de béton de ciment[2],[1]. Cette barque fut utilisée, durant plusieurs années, sur le lac de sa propriété à Miraval dans le Var et présentée à l’exposition universelle de 1855, mais n’eut guère de succès.

Joseph Monier déposa en 1867, à Paris, plusieurs brevets dans le domaine du fer armé, dont un pour « un système de caisses-bassins mobiles en fer et ciment applicables à l'horticulture »[3]. Le , Joseph Monier a déposé un additif à son brevet de 1867 intitulé "Application à la construction des ponts et passerelles de toutes dimensions".

En 1875, à la demande du propriétaire du château de Chazelet près de Saint-Benoît-du-Sault, M. Taupinart de Tilière, l'architecte Alfred Dauvergne demande à Joseph Monier de concevoir et réaliser un pont en ciment armé permettant de franchir les douves du château. Avec une longueur de 13,80 m et une largeur de 4,25 m, il existe toujours, même si les architectes des Monuments historiques ont du mal à admettre qu'il faille le sauvegarder. C'est le premier pont en ciment armé au monde.

C’est en Allemagne et en Autriche que la technique se développa sous l'impulsion de Schuster et de Wayss qui avaient acquis les droits des brevets à Monier en 1878-1880. L'essor du procédé fut de 1887 à 1891 plus de trois cents ponts furent construits ; le succès fut tel que le terme de « Monierbau » devint synonyme de béton armé[3],[4]

En France, de nombreux systèmes voient le jour. En 1852, François Coignet enrobe des profilés de fer dans du béton, mis en place par fines couches de 5 cm et pilonnées énergiquement, et invente ainsi le béton dit « aggloméré ». Il crée ainsi en 1861 la première entreprise spécialisée dans les constructions en béton armé. Les systèmes Cottancin, Collaron, Demay, Matrai et d’autres voient également le jour. Mais les constructions sont empiriques et de nombreux échecs sont à déplorer. Le plus retentissant est l’effondrement de la passerelle du Grand Globe Céleste à l'Exposition universelle de 1900 qui fit neuf morts et de nombreux blessés. Le système Matrai qui était en cause n'y survécut pas. Dans le système Matrai, le béton joue le rôle accessoire de préservateur contre la rouille et l'action du feu, il s'agit donc essentiellement d'une structure en fer forgé[5].

Aux États-Unis, William E. Wards, devient en 1873 le premier constructeur à tirer pleinement avantage des capacités de flexion des barres d’acier en les positionnant en dessous de l’axe neutre des poutres, dans une maison qu’il construit en bordure du fleuve Hudson.

Le béton armé

C’est à François Hennebique que l'on doit la promotion du nouveau matériau. Il imagina et fit breveter, en 1892, la première disposition correcte des armatures d'une poutre en béton armé, sous le nom de poutre à étrier. À partir de là il sut, à l'aide de formules simples, construire les ouvrages les plus variés. La voie du développement était ouverte. Pendant cette période, l'activité débordante d'Hennebique dépassa par son ampleur celle de tous ses concurrents français ou étrangers. De 1892 à 1908, il créa plus de quarante agences à travers le monde, Bruxelles, Saint-Pétersbourg, Rio de Janeiro, etc., il était partout[3]. En dix ans, de 1892 à 1902, ses agences réalisent 7200 chantiers. L'exposition universelle de 1900 le consacre comme le plus important entrepreneur de travaux publics en béton armé. Le conflit mondial de 1914 apporte un coup d'arrêt à l'essor de la société Hennebique.

Les premiers ponts en béton armé

Le béton armé fut d'abord un matériau de paroi avant d'être un matériau de charpente. Ce sont des réservoirs, des tuyaux, des planchers qui furent les premiers réalisés. Ses promoteurs mettaient en tête de ses avantages sa résistance absence d'entretien, son faible coût et sa commodité d'emploi.

La construction des ponts fut tardive. Elle a commencé, en France, avec la passerelle d'Esternay et s'est poursuivie avec le pont de la rue Valette, à Perpignan, les ouvrages de Louis Auguste Harel de La Noë dans la Sarthe et les Côtes-du-Nord[6].

Le premier grand pont en béton armé est le pont Camille-de-Hogues, sur la Vienne à Châtellerault, qui comprend trois arches de 40 m, 50 m, 40 m d’ouverture. Il a été construit entre 1898 et 1900 par Hennebique.

Développement des ponts en béton armé

Après cette remarquable réalisation les ponts en béton armé vont être construits en nombre au début du XXe siècle. Les plus importants sont :

  • 1904 – pont de Decize (détruit) sur la Loire, deux arches de 50 m et 55 m par Hennebique ;
  • 1905 – Pont de Pyrimont à Chanay (détruit) sur le Rhône, trois arches de 54 m par Hennebique ;
  • 1908 – pont d'Amélie-les-Bains, une arche de 40 m par Simon Boussiron[7] ;
  • 1910-1911 – pont du Risorgimento, sur le Tibre à Rome par Hennebique et Porcheddu[8]. Son arche de 100 m d'ouverture surpasse la plus grande voûte en maçonnerie existante : Pont de la Paix (Plauen), 90 m, Allemagne[6].

Les premières recherches théoriques et expérimentales ont été entreprises par Armand Considère en 1896, elles mirent en évidence l'intérêt de fretter le béton. Le bow-string construit en 1902, en gare d'Ivry, en fut l'illustration[6].

L’invention du béton précontraint par Eugène Freyssinet en 1928 supplanta définitivement la technique du béton armé pour les grands franchissements.

Ponts à poutres

Les ponts à poutres en béton armé sont les ponts les plus répandus pour les petites portées.

Sous le terme de ponts à poutres, on regroupe tous les ouvrages dont la structure porteuse reprend les charges essentiellement par son aptitude à résister directement à la flexion, les réactions d’appui étant verticales ou quasi verticales. Le tablier est, généralement, une structure linéaire dont les travées peuvent être indépendantes, continues ou exceptionnellement posséder des parties en console. Les ponts-dalles peuvent être classés dans cette catégorie car les réactions d’appui sont principalement verticales et le modèle de calcul des efforts longitudinaux est celui d’une poutre. Par extension, les portiques et les tranchées couvertes ont été rangés dans cette catégorie.

  • Pont à poutres en béton armé
    Pont à poutres en béton armé
  • Pont dalle en béton armé
    Pont dalle en béton armé
  • Cadre en béton armé
    Cadre en béton armé
  • Portique (pont)
    Portique (pont)
  • Tranchée couverte

Pont en arc

On distingue les ponts en arc selon la position du tablier ou selon le nombre d’articulations.

  • Pont en arc en béton armé à tablier suspendu
    Pont en arc en béton armé à tablier suspendu
  • Pont en arc en béton armé à tablier intermédiaire
    Pont en arc en béton armé à tablier intermédiaire

Le béton armé a permis de construire de nombreux ponts de petites portées. L'amélioration des performances du béton et l'apparition de nouvelles techniques de construction comme le béton précontraint ou les arcs tubulaires remplis de béton ont permis d'atteindre des portées très importantes puisque le plus grand arc en béton présente une portée de 420 mètres.

Liste des plus grands ponts en arc en béton

Le tableau ci-après présente les ponts de portée supérieure ou égale à 200 mètres, classés par valeur décroissante.

Rang Nom Portée mètres Longueur
(mètres)
Matériau de l’arc Terminé en Lieu Pays
1 Pont de Wanxian 420 864 béton 1997 Wanxian Drapeau de la République populaire de Chine Chine
2 Pont de l'île de Krk 390 1430 béton 1980 Krk (île) Drapeau de la Croatie Croatie
3 Pont de Jiangjiehe 330 461 béton 1993 Wengan Drapeau de la République populaire de Chine Chine
4 Pont de Yongjiang 312 ?? béton 1996 Yongning Drapeau de la République populaire de Chine Chine
5 Gladesville Bridge 300 488 béton 1964 Sydney Drapeau de l'Australie Australie
6 Pont international de l'Amitié 290 552 béton 1965 Drapeau du Paraguay Paraguay / Drapeau du Brésil Brésil
7 Pont Infante D. Henrique 280 371 béton 2002 Oporto Drapeau du Portugal Portugal
8 Pont de Stenungsund 278 667 béton ? Stenungsund Drapeau de la Suède Suède
9 Bloukrans Bridge 272 451 béton 1984 Nature's Valley Drapeau d'Afrique du Sud Afrique du Sud
10 Pont Arrabida 270 493 béton 1963 Oporto Drapeau du Portugal Portugal
11 Pont de Sanan Yongjiang 270 ?? acier/béton 1998 Guangxi Drapeau de la République populaire de Chine Chine
12 Pont de Beimen 270 1780 acier/béton 2006 Beimen Drapeau de la République populaire de Chine Chine
13 Viaduc de l’Eau Rouge 270 653 acier 1993 Malmedy Drapeau de la Belgique Belgique
14 Pont de Fujikawa 265 381 béton 2005 Shizuoka Drapeau du Japon Japon
15 Pont de Sandö 264 810 béton 1943 Kramfors Drapeau de la Suède Suède
16 Pont de Yibin Rongzhou 260 505 béton 2004 Yibin Drapeau de la République populaire de Chine Chine
17 Pont de Takamatu 260 ?? béton 2000 Miyazaki Drapeau du Japon Japon
Pont de la Tamina 259 ?? béton 2016 Pfäfers Drapeau de la Suisse Suisse
18 Pont de Kishiwada 255 445 béton 1993 Osaka Drapeau du Japon Japon
19 Pont en arc des Tilos 255 319 béton 2004 Îles Canaries Drapeau de l'Espagne Espagne
20 Viaduc sur la Wilde Gera 252 552 béton 2000 Thuringe Drapeau de l'Allemagne Allemagne
21 Pont Châteaubriand 250 424 béton 1991 Bretagne Drapeau de la France France
22 Pont de Svinesund 247 704 béton 2005 Svinesund Drapeau de la Suède Suède / Drapeau de la Norvège Norvège
23 Pont de Šibenik 246 390 béton 1966 Šibenik Drapeau de la Croatie Croatie
24 Pont de Barelang 245 385 béton 1997 Drapeau de l'Indonésie Indonésie
25 Pont de Jinshajiang 240 388 béton 1990 Yibin Drapeau de la République populaire de Chine Chine
26 Pont de Beppu Myoban 235 411 béton 1989 Beppu Drapeau du Japon Japon
27 Pont Bisantis 231 468 béton 1962 Catanzaro Drapeau de l'Italie Italie
28 Zaporizhia Bridge 228 ?? béton 1952 Zaporizhia Drapeau du Royaume-Uni Royaume-Uni
29 Viaduc de la Kyll 223 645 béton 1999 Wilsecker Drapeau de l'Allemagne Allemagne
30 Pont de Henan Xugou 220 480 béton 2001 Luoyang Drapeau de la République populaire de Chine Chine
31 Pont de Zezelj, détruit en 1999 dans les bombardements 211[9] 466 béton 1991 Novi Sad Drapeau de la Serbie Serbie
32 Viaduc de Martin Gil 210 408 béton 1999 Zamora Drapeau de l'Espagne Espagne
33 Pont de Lingenau 210[9] 370 béton 1967 Lingenau Drapeau de l'Autriche Autriche
34 Krka River Bridge 204 391 béton 2004 Skradin Drapeau de la Croatie Croatie
35 Pont de Usagawa 204[9] ??? béton 1983 Yamagushi Drapeau du Japon Japon
36 Pont de Tauernbahn 200[9] ?? béton 1969 Pfaffenberg-Zwenberg Drapeau de l'Autriche Autriche
37 Pont de Fuling 200 ?? béton 1989 Fuling Drapeau de la République populaire de Chine Chine
38 Pont du Morbihan 201 376 béton 1999 La Roche-Bernard Drapeau de la France France
 

Ponts suspendus et haubanés

Il existe des ponts suspendus et haubanés où les suspentes ou les câbles sont remplacés par des poutres en béton armé.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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  • Les ponts, sur Wikimedia Commons
  • Structurae - Base de données et galerie internationale d'ouvrages d'art
  • Les plus grands ponts du monde par type de structure
  • Le site Art et Histoire qui détaille l'histoire du franchissement des fleuves en France au XIXe siècle et montre l'impact des constructions de ponts sur le démarrage de la Révolution industrielle.

Bibliographie

  • Naissance et développement du béton armé

Notes et références

  1. a et b Histoire du béton armé sur le site de Lafarge
  2. http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/barque_lambot_cle012731.pdf Barque de Joseph-Louis Lambot, conservée actuellement dans les dépôts du Port autonome de Paris
  3. a b et c Marcel Prade – Ponts et viaducs au XIXe siècle – Ed. Brissaud Poitiers – 1988 – page 79
  4. Histoire du béton armé - page 3]
  5. P. Christophe. Le béton armé et ses applications. Рипол Классик, 1899. Consulter en ligne
  6. a b et c Marcel Prade - Ponts et viaducs au XIXe siècle - Ed Brissaud Poitiers - 1990 - page 80
  7. Fiche de Simon Boussiron sur Structurae.
  8. Fiche de Giovanni Antonio Porcheddu sur Structurae.
  9. a b c et d Charles Abdunur, ARCH'01 - 3e conférence sur les ponts en arc, Presses de l'Ecole nationale des ponts et chaussées, Paris (France) , ( (ISBN 2-85978-3474)),2001; p 7
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