Affaires courantes

Les affaires courantes sont les affaires qu'une autorité désinvestie de ses fonctions peut, dans l'attente de la nomination de son successeur, expédier sans s'exposer au grief d'incompétence.

Le terme est le plus souvent utilisé pour parler d'un gouvernement qui vient de démissionner en attendant qu'un nouveau gouvernement soit formé.

Définition

La notion "d'affaires courantes" désigne à la base l'ensemble des tâches, affaires, décisions que peut prendre l'autorité sans avoir besoin de ses pleines prérogatives. Cette définition est plutôt large et vague, et la notion d'affaires courantes n'est guère délimitée clairement, relevant plus de l'expérience politique et de la coutume que du droit et de la législation. Néanmoins, le professeur de droit Francis Delpérée donne trois catégories d'affaires relevant des affaires courantes:

  • Les affaires quotidiennes nécessaires au fonctionnement ininterrompu de ladite autorité. Par exemple, un ministère en affaires courantes peut tout à fait payer ses factures aux fournisseurs, mais n'aura pas le droit de lancer un appel d'offres et de choisir le vainqueur.
  • Les affaires en cours, qui sont presque terminées; ou du moins, bien avancées.
  • Les affaires urgentes, qui doivent être impérativement traitées sous peine de léser la population, l'État, ainsi que l'économie nationale et la vie sociale du pays face à de graves difficultés.

Situation dans quelques pays

Autriche

Si le chancelier demande à être relevé de ses fonctions, le président fédéral confie l’intérim à un ministre[1]. Si le gouvernement fédéral démissionne ou est renversé par une motion de censure, le président fédéral nomme tout ministre comme chancelier à la tête d'un gouvernement fédéral provisoire, dont les membres sont les ministres sortants[2].

Belgique

Article détaillé : gouvernement d'affaires courantes.

Un gouvernement d'affaires courantes désigne le gouvernement sortant. Il exerce le pouvoir, de façon réduite, avec des compétences limitées[3]. Ce cas peut se produire dans plusieurs situations : lorsque le gouvernement a perdu la confiance de la chambre des représentants, lorsque les chambres du Parlement fédéral belge sont dissoutes, lorsque le gouvernement est démissionnaire ou dans l’attente d’un nouveau gouvernement après des élections[4]. Ce variant de gouvernement est donc souvent un type de gouvernement intérimaire.

Espagne

Le mandat du président du gouvernement prend fin le jour de la tenue des élections législatives, en cas de décès, de démission, de vote d'une motion de censure ou de rejet d'une question de confiance. Sauf en cas de décès, il assure la gestion des affaires courantes jusqu'à l'investiture de son successeur. En cas de censure, il reste en fonction jusqu'à l'assermentation du président du gouvernement issu de la motion de censure constructive. Il est alors dit « en fonction » (en funciones).

France

En cas de démission, le gouvernement sortant est traditionnellement chargé « d'expédier les affaires courantes » par le président de la République. Depuis 1952, le Conseil d'Etat peut annuler un acte réglementaire pris par un gouvernement démissionnaire au motif qu'il « ne peut être regardé comme une affaire courante »[5],[6]. Le commissaire du gouvernement Jean Delvolvé proposait à cette occasion d'inclure dans la catégorie des affaires courantes les décisions d’administration quotidienne et les décisions urgentes[7].

Passation de pouvoir de Dominique de Villepin, dont le gouvernement a démissionné le [8] à François Fillon, dont le gouvernement est nommé le [9].

En cas de dissolution de l'assemblée délibérante d'une collectivité territoriale autre qu'une commune, de démission de tous ses membres en exercice ou d'annulation devenue définitive de l'élection de tous ses membres, son président est chargé de l'expédition des affaires courantes[10],[11],[12],[13],[14],[15],[16]. En cas de dissolution du conseil municipal d'une commune ou de démission de tous ses membres en exercice, ou en cas d'annulation devenue définitive de l'élection de tous ses membres, ou lorsque le conseil municipal ne peut être constitué, une délégation spéciale est chargée des « actes de pure administration conservatoire et urgente »[17].

Hongrie

Lorsque le mandat du Premier ministre s'achève pour cause de démission, de refus de confiance ou d'ouverture d'une nouvelle législature, le Premier ministre sortant expédie les affaires courantes jusqu'à l'élection de son successeur. Il ne peut modifier la composition de son gouvernement et son pouvoir réglementaire est restreint aux seules nécessités d'urgence. Cependant, s'il est décédé, a perdu son droit de vote ou s'est vu frapper d'une incompatibilité, le ministre qu'il a désigné, ou le premier d'entre eux s'ils sont plusieurs dans ce cas, exerce, avec les restrictions précédemment évoquées, ses fonctions jusqu'à l'élection d'un nouveau Premier ministre.

Pays-Bas

Aux Pays-Bas, on parle de Gouvernement démissionnaire (en).

Pologne

Le mandat du président du Conseil des ministres prend fin par décès ou démission. Il continue d'expédier les affaires courantes jusqu'à la formation d'un nouveau cabinet.

Portugal

Suivant la constitution portugaise, le gouvernement doit se limiter à « assurer la gestion des affaires publiques » avant le vote de son programme par l'Assemblée de la République ou après sa démission[18].

Notes et références

  1. Loi constitutionnelle de 1920, article 74.
  2. Loi constitutionnelle de 1920, article 71.
  3. Vocabulaire politique, affaires courantes, sur Crisp.be.
  4. Michel Pâques, Droit public élémentaire en quinze leçons,  éd. Larcier, 2005, cf. p. 158-160.
  5. Bouyssou 1970
  6. Conseil d'Etat, Assemblée, du 4 avril 1952
  7. Pierre Avril et Jean Gicquel, « A », dans Lexique de droit constitutionnel, (lire en ligne)
  8. Décret du 15 mai 2007 relatif à la cessation des fonctions du Gouvernement
  9. Décret du 18 mai 2007 relatif à la composition du Gouvernement
  10. Pour un département : Code général des collectivités territoriales, article L3121-6.
  11. Pour une région : Code général des collectivités territoriales, article L4132-4.
  12. Pour Saint-Barthélemy : Code général des collectivités territoriales, article LO6221-6.
  13. Pour Saint-Martin : Code général des collectivités territoriales, article LO6321-6.
  14. Pour Saint-Pierre-et-Miquelon : Code général des collectivités territoriales, article LO6431-6.
  15. Pour la collectivité territoriale de Guyane (CTG) : Code général des collectivités territoriales, article L7122-5.
  16. Pour la collectivité territoriale de Martinique (CTM) : Code général des collectivités territoriales, article L7222-5.
  17. Code général des collectivités territoriales, article L2121-38.
  18. (pt) Constitution portugaise de 1976 (lire en ligne), art. 186

Voir aussi

Bibliographie

  • F. Bouyssou, « L'introuvable notion d'affaires courantes : l'activité des gouvernements démissionnaires sous la Quatrième République », Revue française de science politique, vol. XX, no 4,‎ , p. 1re part., art. no 1, p. 645-680 (DOI 10.3406/rfsp.1970.393244, lire en ligne).
  • « Loi constitutionnelle fédérale du 1er octobre 1920, titre III : Les pouvoirs exécutif et judiciaire de la Fédération ».
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