Évaluation complémentaire de sûreté

L’évaluation complémentaire de sûreté est, en France, un réexamen de sûreté ciblé sur les problématiques soulevées par l'accident nucléaire de Fukushima, à savoir la résistance de l'installation nucléaire à des phénomènes naturels extrêmes mettant à l’épreuve les fonctions de sûreté des installations et conduisant à un accident grave. Cette démarche s'inscrit dans le cadre de la réalisation de tests de résistances de sûreté (stress tests) demandée par le Conseil européen lors de sa réunion des 24 et 25 mars 2011.

Cette évaluation permettra de vérifier le dimensionnement de l'installation, d'apprécier sa robustesse pour résister à des sollicitations supérieures à celles pour lesquelles elle a été dimensionnée et de définir des éventuelles modifications[1].

L’Autorité de sûreté nucléaire notifie le cahier des charges aux exploitants le 5 mai 2011. Ceux-ci doivent produire une note méthodologique pour le 1er juin et un rapport d'auto-évaluation pour le 15 septembre 2011. L’ASN avec l'appui technique de l’IRSN devait ensuite produire un rapport d'analyse pour le 15 novembre 2011.

Contexte

Le 11 mars 2011, un séisme de magnitude 9 déclenche un tsunami qui dévaste la côte Pacifique du Tōhoku au Japon et provoque l'accident nucléaire de Fukushima : la centrale nucléaire est endommagée, provoquant un défaut de refroidissement, des fusions de cœur dans plusieurs réacteurs puis des ruptures de confinement et d'importants rejets radioactifs. Les conséquences de la catastrophe nucléaire et l'intense couverture médiatique de l'évolution de la situation ont relancé le débat sur l’utilisation de l’énergie nucléaire dans de nombreux pays de l’Union européenne, dont l’Allemagne, la Belgique, la France et l’Italie.

Le mardi 15 mars, en écho aux annonces du Premier ministre français à l'Assemblée nationale qui en appelle surtout à la solidarité, Günther Oettinger, commissaire européen à l'énergie, affirme que l'Union européenne s'est mise d'accord pour engager l'organisation avant la fin de l'année de tests de résistances européens pour toutes les centrales européennes, dans l'optique d'une réévaluation des risques et d'un durcissement des normes de sécurité. Les 24 et 25 mars, la Commission européenne émet formellement la demande de réalisation de tests de résistance pour l'ensemble des installations nucléaires sur la base d'un cahier des charges à définir. Ces opérations seront réalisées sur la base du volontariat et devraient être menées par des experts indépendants communs, en cours de l'année 2011 et leurs conclusions devront par ailleurs être rendues publiques[2],[3].

Dans ce cadre et à la suite de la demande du Premier ministre en date du 23 mars 2011[4], l'Autorité de Sûreté nucléaire confirme le 28 mars 2011 son accord pour la réalisation d’un audit de la sûreté des installations nucléaires françaises au regard des évènements de Fukushima en application de l’article 8 de la loi n°2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire (loi TSN)[5].

Cahier des charges

Le cahier des charges de ces évaluations, élaboré par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), est approuvé par le Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN) le 3 mai 2011[6] et est notifié aux exploitants le 5 mai[1].

Les domaines analysés sont ceux définis dans le cahier des charges européen à savoir la résistance de la centrale à un séisme majeur, à une inondation extrême, à d'autres aléas naturels extrêmes, à une perte d'alimentation électrique, des systèmes de refroidissement ou du confinement et la capacité de l'exploitant à gérer un accident grave. Le cahier des charges français, établi par l'ASN, comprend aussi l'analyse des modalités de gestion des prestataires par l'exploitant.

Installations concernées

L'ASN décide de faire porter les évaluations complémentaires de sûreté sur toutes les installations nucléaires susceptibles de présenter des risques en cas d'évènements de même nature que ceux de Fukushima, et non pas seulement sur les réacteurs de puissance. Ce sont ainsi 150 installations qui sont concernées et pas uniquement les 58 réacteurs de puissance. Treize exploitants sont ainsi concernés par la démarche. Les audits se répartiront sur les années 2011 et 2012 selon le calendrier suivant[7].

Calendrier détaillé des évaluations complémentaires de sûreté
Année d'évaluation Exploitant Site Nature de l'installation Nom des installations évaluées
2011 Électricité de France[8] Centrale nucléaire de Belleville Réacteurs de puissance CNPE de Belleville (INB 127 et 128)
Centrale nucléaire de Blayais Réacteurs de puissance CNPE de Blayais (INB 86 et 110)
Centrale nucléaire de Bugey Réacteurs de puissance CNPE de Bugey (INB 78 et 89)
Centrale nucléaire de Cattenom Réacteurs de puissance CNPE de Cattenom (INB 124, 125, 126 et 137)
Centrale nucléaire de Chinon Réacteurs de puissance CNPE de Chinon B (INB 107 et 132)
Centrale nucléaire de Chooz Réacteurs de puissance CNPE de Chooz B (INB 139 et 144)
Centrale nucléaire de Civaux Réacteurs de puissance CNPE de Civaux (INB 158 et 159)
Centrale nucléaire de Cruas Réacteurs de puissance CNPE de Cruas (INB 111 et 112)
Centrale nucléaire de Dampierre Réacteurs de puissance CNPE de Dampierre (INB 84 et 85)
Centrale nucléaire de Fessenheim Réacteurs de puissance CNPE de Fessenheim (INB 75)
Centrale nucléaire de Golfech Réacteurs de puissance CNPE de Golfech (INB 135 et 142)
Centrale nucléaire de Gravelines Réacteurs de puissance CNPE de Gravelines (INB 96, 97 et 122)
Centrale nucléaire de Nogent Réacteurs de puissance CNPE de Nogent (INB 129 et 130)
Centrale nucléaire de Paluel Réacteurs de puissance CNPE de Paluel (INB 103, 104, 114 et 115)
Centrale nucléaire de Penly Réacteurs de puissance CNPE de Penly (INB 136 et 140)
Centrale nucléaire de Saint-Laurent Réacteurs de puissance CNPE de Saint Laurent B (INB 100)
Centrale nucléaire de Saint-Alban Réacteurs de puissance CNPE de Saint-Alban-Saint-Maurice (INB 119 et 120)
Centrale nucléaire de Tricastin Réacteurs de puissance CNPE de Tricastin (INB 87 et 88)
Centrale nucléaire de Flamanville Réacteurs de puissance Site de Flamanville, incluant le réacteur de Flamanville 3 (INB 108, 109 et 167)
CEA[9] Centre de Cadarache Fabrication ou transformation de substances radioactives ATPu (laboratoire en démantèlement) (INB 32)
Réacteurs de recherche Masurca (maquette critique) (INB 39) - Réacteur Jules Horowitz (réacteur expérimental et d’irradiation) (INB 172)
Site de Saclay Réacteur de recherche OSIRIS (réacteur expérimental) (INB 40)
Site nucléaire de Marcoule Réacteur de recherche Phénix (INB 71)
Areva NC Usine de retraitement de la Hague Transformation de substances radioactives Elan 2B (INB 47) - HAO (INB 80) - STE2 A silos (INB 38) - STE3 (INB 118) - UP2 400 (INB 33) - UP2 800 (INB 117) - UP3 (INB 116)
Site nucléaire du Tricastin Transformation de substances radioactives Usine TU5 W (INB 155) - Fonctions support du site
Melox SA Site nucléaire de Marcoule Fabrication de substances radioactives Usine Melox (INB 151)
Comurhex Site nucléaire du Tricastin Transformation de substances radioactives Usine du Tricastin (INB 105)
Eurodif SA Site nucléaire du Tricastin Transformation de substances radioactives Usine Georges-Besse et son annexe (INB 93)
SET Site nucléaire du Tricastin Transformation de substances radioactives Usine Georges-Besse II et son annexe RECII (INB 168)
Socatri Site nucléaire du Tricastin Usine (INB 138) - Fonctions support du site
FBFC Site nucléaire de Romans Fabrication de substances radioactives Usine FBFC (INB 98)
Institut Laue-Langevin Polygone scientifique de Grenoble Réacteur Réacteur à haut flux (RHF) (INB 67)
2012 Électricité de France Centrale nucléaire de Bugey Installation en démantèlement Bugey 1 (INB 45)
Centrale nucléaire de Chinon Installation en démantèlement Chinon A1 (INB 133) - Chinon A2 (INB 153) - Chinon A3 (INB 161)
Centrale nucléaire de Chooz Installation en démantèlement Chooz A (INB 163)
Centrale nucléaire de Saint-Laurent Installation en démantèlement Saint-Laurent A1 (INB 46) - Saint-Laurent A2 (INB 46)
Site nucléaire de Creys-Malville Installation en démantèlement Superphénix dont TNA (INB 91) - APEC (INB 141)
Centrale nucléaire de Brennilis Installation en démantèlement Monts d’Arrée - EL4-D (INB 162)
CEA Site de Saclay Réacteur de recherche Orphée (INB 101)
Site nucléaire de Marcoule Laboratoire de recherche et développement et étude de production des actinides Atalante (INB 156) - Fonctions support du site
Centre de Cadarache Réacteur de recherche Cabri (INB 24) - Fonctions support du site - Rapsodie (INB 25)
Laboratoire de recherche et développement CHICADE (INB 148)
Utilisation de substances radioactives LECA (INB 55)
Dépôt de substances radioactives MCMF (INB 53)
Stockage de substances radioactives PEGASE (INB 22)
FBFC Site nucléaire de Romans Usine CERCA (INB 63)
Cisbio International Site de Saclay Fabrication ou transformation de substances radioactives Usine Cisbio (INB 29)
Iter organization Centre de Cadarache ITER (Installation en projet)
Rapport spécial Électricité de France Centrale nucléaire de Bugey Entreposage de combustible neuf Magasin de combustible interrégional (MIR) (INB 102)
Centrale nucléaire de Bugey Conditionnement et entreposage de substances radioactives ICEDA (INB 173)
Centrale nucléaire de Chinon Installation du cycle du combustible Atelier des matériaux irradiés (AMI) (INB 94) - Magasin de combustible interrégional (MIR) (INB 99)
Centrale nucléaire de Saint-Laurent Stockage ou dépôt de substances radioactives Silos de St Laurent Entreposage (INB 74)
Site nucléaire du Tricastin Maintenance nucléaire Base chaude opérationnelle du Tricastin (BCOT) (INB 157)
CEA Site de Saclay Réacteurs de recherche et installations du cycle du combustible ISIS (INB 40) - LECI (INB 50) - LHA (INB 49) - Poseidon (INB 77) - ZGDS « zone de gestion de déchets solides radioactifs » Entreposage (INB 72) - ZGEL Traitement et entreposage (INB 35)
Polygone scientifique de Grenoble Utilisation de substances radioactives LAMA (INB 61)
Transformation de substances radioactives STED (INB 36)
Stockage ou dépôt de substances radioactives STED (INB 79)
Centre CEA de Fontenay-aux-Roses Installation de recherche en démantèlement INB Procédé (INB 165)
Centre de Cadarache Conditionnement et entreposage de substances radioactives AGATE (INB 171) - CEDRA (INB 164)
Stockage de substances radioactives CASCAD (INB 22)
Réacteur de recherche EOLE (INB 42) - MINERVE (INB 95) - Phébus (INB 92)
Fabrication de substances radioactives LEFCA (INB 123)
Transformation de substances radioactives LPC (INB 54) - STEDS Traitement (INB 37)
Réception et expédition de matières nucléaires Magenta (INB 169)
Utilisation de substances radioactives STAR (INB 55)
 

Calendrier

À la suite de la transmission du cahier des charges par l'ASN, les exploitants devaient ensuite fournir une note méthodologique pour le 1er juin 2011 et un premier rapport au plus tard le 15 septembre 2011. L’ASN avec l'appui technique de l’IRSN devaient ensuite produire un rapport d'analyse pour le 15 novembre 2011[1].

Conclusions relatives aux réacteurs de puissance

Conclusions de l'exploitant

Les rapports des différents sites ont été communiqués par EDF à l'ASN qui les a rendu publics le . Les principales dispositions génériques proposées par l'exploitant, en complément du traitement des écarts par rapport au référentiel en vigueur, sont les suivantes[A 1] :

  • La mise en place d'un dispositif autonome de pompage direct dans la nappe phréatique pour permettre une réalimentation des générateurs de vapeur, le circuit primaire ou la piscine de désactivation;
  • Le renforcement de la robustesse des turbopompes d'alimentation des générateurs de vapeur,
  • La mise en place d'un Diesel supplémentaire d'ultime secours (DUS) par tranche, robuste aux inondations et séismes;
  • La mise en place au niveau national d'un Force d'Action Rapide Nucléaire (FARN) capables d'épauler voire de remplacer les équipes de crise locales et de rétablir et pérenniser le refroidissement des réacteurs;
  • L'étude du renforcement de la robustesse au séisme des dispositifs de filtration des rejets lors de la dépressurisation de l'enceinte.

En outre pour assurer localement un maintien des capacités de commandement en cas de crise, EDF propose d'étudier le caractère opérationnel du bâtiment de sécurité actuel en cas de séisme majeur, étudier un bâtiment de gestion de crise de proximité et enfin étudier une base arrière à quelques kilomètres du site[A 1]. La réalisation de ces différentes actions s'étalerait entre 2012 et 2020, voire au-delà pour les actions de long terme[A 1].

Notes et références

  • Électricité de France, « Rapport de l'évaluation complémentaire de la sûreté des installations nucléaires de Dampierre-en-Burly au regard de l'accident de Fujushima », sur www.polyedres.com, Polyèdres,
  1. a b et c n°8 p. 9-10/18
  • ASN, Présentation des évaluations complémentaires de la sûreté des installations nucléaires au regard de l’accident de Fukushima, 9 mai 2011
  1. a b et c « L’ASN définit le cahier des charges relatif aux « évaluations complémentaires de la sûreté » des installations nucléaires au regard de l’accident de Fukushima », sur www.asn.fr, (consulté le )
  2. Henri-Pierre André et Gilles Trequesser, « L'UE décide de stress tests sur les centrales nucléaires », sur www.lexpress.fr/, (consulté le )
  3. « cahier des charges européen ENSREG », sur lexpansion.lexpress.fr/, (consulté le ) p. 1
  4. « Courrier du Premier Ministre à l'ASN », sur www.asn.fr/, (consulté le )
  5. « L’ASN confirme son accord pour mener l’audit de sûreté complémentaire demandé par le Premier Ministre », sur www.asn.fr/, (consulté le )
  6. « Avis n°4 du Haut Comité sur le projet de cahier des charges de l’Autorité de sûreté nucléaire relatif à l’audit de sûreté des installations nucléaires françaises », sur www.asn.fr/, (consulté le )
  7. « Présentation des évaluations complémentaires de la sûreté des installations nucléaires au regard de l’accident de Fukushima », sur asn.fr www. asn.fr, (consulté le )
  8. « Décision n° 2011-DC-0213 de l’ASN du 5 mai 2011 », sur asn.fr www. asn.fr (consulté le ) (PDF - 234,27 Ko)
  9. « décision n° 2011-DC-0224 du 5 mai 2011 », sur asn.fr www. asn.fr (consulté le ) prescrivant au Commissariat à l’Energie Atomique et aux énergies alternatives (CEA) de procéder à une évaluation complémentaire de la sûreté de certaines de ses installations nucléaires de base

Voir aussi

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